"Le grand méchant mou"

Publié le par Le sacristain

roi_faineant.jpgPour décrire celui que nous appellerons, pour les besoins de la cause, « le grand méchant mou », nous dirons qu’il a toujours regretté la nécessité de travailler pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, et que, si cela n’avait dépendu que de lui, il aurait vécu volontiers sous l’Ancien Régime, entouré d’une armée de serviteurs prêts à satisfaire ses moindre désirs…

 

Dans son livre  « La Paresse » publié aux Editions du Centre Pompidou en 1996, dans la collection « Les Péchés capitaux », Raoul Vaneigem nous pose cette question et nous en offre un développement :

 

 

Mais qu’est-ce donc que ces puissants, ces souverains, ces aristocrates, ces hauts dignitaires sinon des travailleurs intellectuels, des travailleurs chargés de faire travailler ceux dont ils avaient « pris la tête » ? Cette oisiveté dont les riches se targuaient et qui nourrit séculairement le ressentiment des opprimés nous paraît bien éloignée de l’état de paresse dans ce qu’elle offre d’idyllique.

 

Le beau prélassement que s’adjugent les infatués de noblesse aux aguets des moindres manquements, sourcilleux de préséances, attentifs à la valetaille masquant sa hargne et son mépris sous la servilité, quand il ne s’agit pas de faire goûter au préalable les mets assaisonnés par les maléfices de l’envie et de la vengeance. Quelle fatigue que cette paresse-là, et quelle servitude dans l’agrément constant d’une complaisance de commande !

 

 

Malheureusement, notre « grand méchant mou », se trompe d’époque et naît au milieu du siècle dernier, dans une famille profondément unie et aimante, mais qui, hélas pour lui, a épousé les valeurs exigeantes de l’époque et la devise des Croix-de-Feu : « Travail, Famille, Patrie ».

 

Il s’en est vite remis et, pour se consoler, il se disait chaque matin, au réveil :

 

Aujourd’hui c’est décidé,

Le monde peut bien s’écrouler,

Je laisse mon corps peser

Sur mon vieux canapé !

 

Pour apaiser l’ire des siens devant son inactivité apparente, il répondait tout de go, par une chanson de Jacques Prévert :

 

On croit que c'est facile

De ne rien faire du tout

Au fond c'est difficile

C’est difficile comme tout

Il faut passer le temps

C’est tout un travail :

Il faut passer le temps,

C’est un travail de titan !

 

A-t-il adopté la théorie de Clément Delafargue : « La paresse est le moteur de l'évolution humaine » ? A-t-il entendu dire : « Il vaut mieux être intelligemment paresseux que paresseusement intelligent » ? Sans aucun doute !

 

Personnellement, il est persuadé que : « La paresse permet l'optimisation, l'amélioration de tous les processus de travail, et ouvre des perspectives bien plus grandes que l'envie de départ, celle de travailler moins ». Selon lui, la  paresse n’est plus un défaut, mais un signe d’intelligence supérieure et l’un des moteurs de l’évolution humaine !

 

Notre « grand méchant mou » fait siens les propos de Françoise Gomarin, dans son « Éloge de la Paresse » et, comme elle, il pense qu’être paresseux est un acte de rébellion contre l’ordre établi, contre l’esclavage et contre le capitalisme, et que céder à sa paresse, c’est redevenir libre (!).

 

Pendant que les autres s’agitent, il regarde, s’étonne, prend son temps, voit les erreurs à ne pas commettre et optimise l’utilisation de son cerveau, de ses mains et de son temps de travail. Selon lui, il ne travaille pas moins que les autres, il travaille plus vite, de manière plus efficace, il travaille mieux ! C’est ça « l’efficience ». En souhaitant épargner du temps et de la fatigue, il met au point de nouvelles méthodes de travail.

 

Amis lecteurs, sachez que le paresseux change la face du monde mais ne le revendique pas. Il est modeste et n’ose pas crier sur les toits qu’il se ménage ; cela ne sied pas aux gens de sa qualité….. Ne devrait-on pas l’en remercier ?

 

Notre “héros” est également frappé de deux autres maux inexorables car, depuis longtemps l’envie et l’orgueil le rongent, et ne lui procurent aucune jouissance. Pensez qu’à l’aube du 3ème âge, il n’a pas encore hérité et doit se contenter des fruits de son maigre travail.

 

Il fait donc fi des conseils de Fénelon dans « La Sagesse humaine, ou le portrait d’un honnête homme » :

 

Au bonheur du prochain, ne portez pas envie,

Et ne divulguez point ce que l’on vous confie.

Ne vous vantez de rien, gardez votre secret,

Et vous serez, alors, l’homme le plus parfait.

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L
<br /> Je plains les pauvres parents !<br />
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T
<br /> on dirait que si et on ne vous dit pas tout...<br />
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L
<br /> Quelle famille ! Non, mais quelle famille !!! Est-il possible qu'autres membres soient, eux-aussi, familiers de la luxure, de l'orgueil, de la gourmandise, ou de<br /> l'avarice ?<br />
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